L’architecture interactive, en mouvement !

N’est il pas logique et dans l’ordre des choses qu’à l’instar de tous les arts l’architecture doit poursuivre son évolution ? Mais de quelle manière le fera elle ? Et de quelle manière l’architecture constitue t-elle un espace en mouvement en utilisant l’interactivité ?

Les progrès réguliers de la technologie, de la technique et de l’informatique nous forcent à reconnaître et plus que jamais que (comme l’affirmait Le Corbusier), nos habitations tendent à être des machines. L’espace interagit aujourd’hui avec l’individu qui par sa simple présence en sera le prolongement car il façonne, donne vie, et achève totalement l’œuvre architecturale initiale. L’architecture interactive résulte du fruit de ce progrès. Celle-ci englobe l’automatisation des bâtiments tout en explorant le domaine artistique afin de s’introduire dans le monde de l’art interactif.

L’art interactif est la forme d’art qui implique le spectateur pour atteindre son objectif. Celui-ci se sent harmonieusement immergé au sein d’un espace auquel il est confronté de par sa participation volontaire ou passive sur l’oeuvre. Le spectateur ainsi intégré découvre un art nouveau, dont il est aussi inconsciemment acteur et donne une dimension plus importante à l’oeuvre en “vivant” l’architecture, en lui donnant une succession d’impressions d’espaces, de climats, d’environnements et de stimulus multi-sensoriels. Cela caractérise le mouvement de l’espace, qui varie lorsque le promeneur (spectateur) se déplace. Il se sent totalement intégré de par la monumentalité de ces architectures. De telle manière qu’un dialogue corporel et sensitif se crée et s’anime entre l’architecture et le passant; les deux se questionnent et se répondent. Par conséquent il est clair que l’interaction reste prépondérante dans ce type d’architecture, et nous pouvons nous demander par quels moyens.

arcade-nuit-blanche-2002-bibliothèque-de-france-paris-architecte-dominique-perrault-conception-media-chaos-computer-club-ccc-photo-vincent-laganier-2
Chaos Computer Club, « Arcade » Bibliothèque Nationale de France, Nuit Blanche 2002

 Nous retrouvons donc ce principe d’architecture interactive qui est notamment le sujet de la quinzaine de hackers allemands du Chaos Computer Club (CCC). Il semblerait qu’ils aient été invités par la Bibliothèque Nationale de France (BNF) du 5 au 6 Octobre 2002 pour monter, à l’occasion de la Nuit blanche, un dispositif interactif où des images assez sophistiquées alternaient avec des jeux interactifs accessibles au public via un téléphone portable.

De plus le CCC, est l’une des organisations de hackers les plus influentes en Europe. Le Club se décrit plus poétiquement en tant que communauté galactique des êtres de la vie, indépendante de l’âge, du sexe, de l’origine ethnique ou de l’orientation sociale, le groupe semblerait œuvrer à travers des frontières pour la liberté d’information.

blinkenlights_ccc_at_22c3
CCC, « Arcade » BNF, 2002

En réalité, le CCC n’a fait que reproduire de façon plus sophistiquée l’installation interactive architecturale qui se trouvait sur la façade de la célèbre « maison de l’enseignant », un immeuble de bureaux de l’Alexanderplatz à Berlin-Est qui a été métamorphosé en un gigantesque tableau de jeu appelé Blinkenlights. Les huit étages supérieurs du bâtiment ont été transformés en écran d’affichage par l’utilisation de 144 ampoules placées derrière les vitres. En plus de la possibilité d’expédier par courrier électronique des animations simples et des messages SMS qui défilaient sur la façade, les spectateurs ont aussi été invités à jouer à un jeu appelé Pong avec leurs téléphones portables.

files-projection-is-443d-diaporama
Chaos Computer Club, « Arcade » Bibliothèque Nationale de France, Nuit Blanche 2002

D’ailleurs, cette reproduction nommée « Arcade » sur la BNF s’est tenue sur une surface monumentale de 3370 m2, l‘écran pouvant devenir interactif et se transformer en jeu vidéo géant. Sans compter que n’importe quel passant aux abords de la BNF peut, en appelant un numéro, jouer aux classiques des jeux d’arcades. De plus, cette gigantesque installation lumineuse défile des films, des portraits géants ou encore des slogans.  

En outre, Arcade est un pur acte de hacking : détourner un objet de son utilisation première pour lui inventer une fonction qui n’était pas prévue. Par ailleurs, leur visée se trouve ici complémentaire à celle de Jean Nouvel qui déclarait : « l’avenir de l’architecture n’est pas architectural. » De mon point de vue, l’architecture se trouve sensiblement mêlée à un autre domaine qui touche au design : l’interactivité. C’est de là que se constitue cette architecture interactive, un art à la fois immersif, qui suscite l’échange. Effectivement, sans le passant, l’architecture n’est rien. C’est en interagissant avec l’oeuvre qu’elle prend forme et se déploie en rendant le spectateur acteur des mouvements de l’architecture. Il éprouve alors des sentiments et ressentis face à l’oeuvre, qui lui sont personnels; chaque spectateur porte un ressenti différent.

Tout compte fait, l’architecture interactive ne se résume pas seulement à des représentations lumineuses. Elle interagit aussi avec son utilisateur par des mécanismes, tout en créant du mouvement en réponse aux agissements du spectateur. De là, le Pavillon de danse est notamment une architecture interactive temporaire créée pour le Parc olympique de Rio en 2016.

gutoskolselectabaixa26
Guto Requena « Dancing Pavilion » JO Rio, 2008

Effectivement, Guto Requena utilise les technologies numériques pour brouiller les frontières entre le design, l’architecture et l’art. Il a d’ailleurs fondé Estudio Guto Requena en 2008. Il parait que son atelier réalise des expériences centrées sur l’émotion en faisant appel aux technologies numériques, tout en proposant des réflexions sur la mémoire, la culture et la narration à différentes échelles.

gutoskolselectabaixa7
Guto Requena « Dancing Pavilion » JO Rio, 2008

De façon impressionnante, des capteurs sont dispersés à l’intérieur de la piste de danse du Dancing Pavilion et captent le rythme de la musique ainsi que le mouvement des gens qui dansent, ce qui active les moteurs des miroirs sur la façade du bâtiment. Ce sont surtout les 500 miroirs ronds qui tournent, ouvrent et ferment, qui créent des effets optiquesLe résultat est une architecture cinétique qui hypnotise les gens, et transforme l’espace en club de danse. Toutefois, ce pavillon cinétique crée des graphismes avec lumière et ombre sur le sol. Et la nuit, ce sont des canons lumineux qui jettent dramatiquement une lumière explosive à l’extérieur, attirant l’attention jusqu’à l’entrée du Parc Olympique. Après tout, cette oeuvre architecturale fait clairement ressentir tout type des émotions (personnelles au spectateur), de par son impressionnante activité. D’ailleurs, cette expérience de design et de technologie d’un lieu commun peut -de mon point de vue- amener à un état de rêve, de joie et d’échappement. 

Par conséquent, l’architecture interactive ne cessera de nous surprendre. Après avoir joué avec le domaine du Gaming interactif ainsi qu’avec la représentation des mouvements de son spectateur, c’est maintenant avec la météo qu’elle étonne les passants.

pogre.184.4.650
James Clar, Hotel Habitat, Barcelone 

Effectivement, James Clar a également essayé de surprendre le public avec une maille lumineuse composée de diodes électroluminescentes réalisée pour l’Hôtel Habitat à Barcelone créé par l’architecte Enric Ruiz du cabinet d’architecture Cloud 9.

Par conséquent son travail tend à explorer le potentiel conceptuel et narratif de la lumière et de la technologie. C’est donc pourquoi ces systèmes s’intègrent dans notre vie quotidienne, modifiant la façon dont nous recevons l’information et communiquons.

Dès lors, la maille lumineuse enveloppe entièrement le bâtiment. Celle-ci est équipée de capteurs sensibles à la lumière du jour. La nuit tombée chaque diode sera en l’occurrence colorée d’une certaine couleur selon l’intensité de lumière solaire qu’elle aura recueillie pendant la journée. Ainsi, l’habillage du bâtiment reflète les niveaux d’énergie de la journée, et se transforme d’un jour à l’autre suivant les conditions météorologiques, tout en dévoilant le bâtiment à travers sa structure transparente. On pourrait enfin penser qu’elle participe à notre perception de la réalité, du temps et de l’espace.

En somme et au travers de ces oeuvres, nous constatons qu’elles prennent tout leur sens aussi bien dans le domaine artistique que celui de l’interactivité. En interagissant avec le passant, ou les énergies, ces architectures mouvantes à leur façon nous feraient penser qu’une âme plaisante se cache derrière les interférences qu’elle propose. Les lumières, sons, et mouvements attirent le passant qui devient donc spectateur et acteur à la fois, de cette interaction entre un corps et une structure.

Laisser un commentaire